Ce travail de thèse prend place dans un champ de recherche initié il y a une trentaine d’années par François Bizot, membre de l’EFEO. Ses découvertes indiquent la présence d’une tradition dite « ésotérique » de textes et de pratiques à l’intérieur du Theravāda, non conformes à l’expression de l’orthodoxie ceylannaise. Cette dimension infiltre le quotidien des populations des pays theravādins, dont les aspects rituels et apotropaïques participent à un ordre symbolique du monde (amulettes, tatouages, incantations…).
Dans ce cadre, l’étude du Vajirasārattha-saṅgaha porte essentiellement sur deux aspects originaux :
D’une part, ce texte savant contient un nombre important d’enseignements bouddhiques dont le mode de présentation et de transmission reste unique dans le champ de la littérature pālie. Ses contenus sont « cryptés », en s’appuyant sur des mécanismes et jeux d’esprit qui touchent à la langue et à sa construction : acrostiches, double sens, mots-valises, devinettes, notions de grammaire pāli... Bien que reposant sur des aspects ludiques, les enseignements dévoilés sont clairement destinés à des initiés et mis au service d’un enseignement de type ésotérique.
Par ailleurs, certaines sections présentent des clés de compréhension essentielles pour saisir les mécanismes de construction des mantra ou « formules magiques » (en thaï hua chai หัวใจ).
En effet, utilisées quotidiennement par les populations laïques et religieuses ces agencements de syllabes participent au déploiement d’une vision « linguistique » du monde et du Dhamma : la symbolique de l’alphabet et de ses lettres régit ainsi par un réseau de correspondances l’ordre des choses. De ce fait, ces formules sont communes et courantes, et présentes dans diverses compositions (récitations, yantras ou diagrammes magiques, tatouages, méditation...).
Cette étude offre ainsi des éléments de compréhension sur certaines des particularités que revêt le bouddhisme du sud-est asiatique. Notamment sa dimension ésotérique qui s’appuie sur une tradition érudite.